Les marais de Charente-Maritime, un écosystème à découvrir

Les marais en Charente-Maritime font incontestablement partie du paysage depuis des millénaires.

Qu’ils soient abandonnés, utilisés pour l’affinage des huîtres, l’élevage des crevettes ou la production de sel, ils sont légions. En effet, on compte plus de 110 000 hectares de marais sur le département.
Ainsi, où que vous soyez en Charente-Maritime, vous serez souvent à proximité d’une de ces vastes étendues humides. Alors, lors de votre séjour laissez-vous tenter par une « sortie nature » à faire en famille à pied ou à vélo. De  plus, parcourir ces lieux emprunts de calme au milieu d’une nature préservée est un bon moyen pour lâcher prise et se ressourcer. .

L’eau, l’élément indispensable pour le fonctionnement des marais ?

Ces zones humides ont besoin d’eau pour exister, qu’elle soit douce ou de mer. C’est pourquoi, on les trouve principalement à proximité des fleuves, de leurs affluents ou du littoral.
Outre les marais moins importants, la Charente-Maritime compte 6 grands marais sur son territoire.

Un des plus connus en eau douce, le marais Poitevin dont la fréquentation touristique annuelle s’élève à près d’un million cinq visiteurs. Et côté eau de mer, de nombreux marais se situent sur les îles de Ré et d’Oléron, ainsi que sur l’estuaire de la Seudre. De vastes étendues et prairies humides s’étirent également vers du côté de Rochefort, Brouage et sur la presqu’île d’Arvert.

On distingue deux types de marais :

Les marais doux, alimentés en eau douce et destinés à l’agriculture et à l’élevage
Et les marais salés alimentés en eau salée grâce à un important réseau de digues et de chenaux. Ceux-ci sont destinés à la production de sel, à l’ostréiculture et à l’aquaculture.

Façonnés par l’homme, les marais une histoire ancienne

A l’origine, irrigués par une multitude de canaux les marais constituaient les anciens golfes marins du littoral. Au fil du temps, la brie, une importante couche d’argile s’est formée, issue des sédiments provenant de la mer et des fleuves.

Longtemps abandonnés car jugés hostiles pour l’homme, ces marais sont dotés d’une richesse en devenir. L’or blanc, le sel !
Pourtant, avant l’Antiquité, les hommes de la période Protohistorique récoltaient déjà le sel, mais, d’une façon bien différente de celle d’aujourd’hui. En effet, les croutes d’argile salées laissées par la mer étaient grattées, brûlées, concassées, puis lavées. Enfin, la saumure obtenue était chauffée sur des fourneaux de séchage, et le sel recueilli.
Quant à la récolte du sel par évaporation comme celle pratiquée de nos jours, ce sont les romains qui sont à l’origine de cette technique.

Par la suite, du Moyen-Age à la fin du XIXe siècle les marais salants deviennent le poumon économique de la région. Dès lors, le sel s’exporte dans toute l’Europe du nord.

Le saviez-vous ?

Un saunier (anciennement saulnier) ou paludier est un travailleur récoltant le sel dans des marais salants. Le mot de « saunier » désigne aussi historiquement les récoltants de sel travaillant dans des sauneries, où ils obtenaient le sel en chauffant l’eau sur des feux de bois. Pour en savoir plus sur ce métier ancestral, je vous invite à lire mon article dédié à Emmanuel, saunier sur l’île de Ré.

Les siècles passants, les hommes n’ont eu de cesse d’intervenir dans la gestion des marais. Tantôt asséchés pour la culture sous Henri IV, tantôt remis en eau à des fins sanitaires, notamment à Rochefort contre le paludisme, les marais façonnent le paysage d’aujourd’hui.

C’est par un judicieux maillage de canaux et d’écluses que les marais sont irrigués ou asséchés en jouant également avec le cycle des marées.

Les marais d’aujourd’hui

Autrefois, hostiles voire inutiles pour l’homme, aujourd’hui les marais sont indispensables à l’équilibre naturel des milieux. Outre leurs beaux paysages, ils sont un réservoir de biodiversité et servent à la gestion quantitative et qualitative de l’eau. Toutefois, l’équilibre reste fragile entre les masses d’eau douce et d’eau salée.
Ainsi, afin qu’ils soient pérennes et protégés, ils sont classés sous diverses appellations :

• Natura 2000
• Réserves naturelles nationales
• Sites classés
• Espaces remarquables
• Réserves de chasse, notamment pour la « chasse à la tonne » bien répandue dans la région mais que je ne cautionne absolument pas…

L’eau de mer, la vie dans les claires et les marais

Pour un milieu adapté à la pisciculture ou l’ostréiculture dans les marais l’apport en eau de mer est primordial. C’est pourquoi les marais sont sillonnés par de nombreux chenaux qui assurent la circulation de l’eau.

Afin de « faire boire le marais », autrement dit d’amener l’eau de mer lors des marées, des ouvrages en pierre, les « varagnes » en régulent le niveau.
Ainsi, ces vannes, éléments essentiels dans la gestion et la préservation des marais, sont ouvertes à marée montante pour être refermées dès la pleine mer. De même, lors des périodes de pluviosité importante, la varagne est ouverte à marée basse pour chasser le trop-plein d’eau.

Partons à la découverte d’un des marais de Charente-Maritime !

Entre eau douce et eau salée, les marais de Mornac-sur-Seudre

Situés dans l’un des 5 «Plus beaux villages de France » de la Charente-Maritime, les marais de Mornac-sur-Seudre font partie d’une vaste zone humide d’environ 9 000 hectares qui s’étire sur une vingtaine de kilomètres de part et d’autre des rives de l’estuaire de la Seudre.

En fait, la Seudre, ce tout petit fleuve de 68 kilomètres de long, apporte à la fois de l’eau salée en aval avec les fluctuations de la mer et de l’eau douce en amont. Le point de séparation des eaux se situe au niveau de l’écluse du port de Ribérou à Saujon.
C’est pourquoi, le milieu particulier du mélange des eaux des marais de la Seudre offre une grande abondance d’oiseaux, de poissons, de reptiles et autres mammifères.

Du reste, ces zones humides sont classées au titre de « Grand site estuarien de la façade atlantique ».

En route pour une randonnée nature

Alors que l’été semble sans fin, c’est par un doux matin d’octobre que je pars à la découverte des marais de Mornac-sur-Seudre.

Ici, grâce au soutien du village, l’association « L’huître pédagogique » qui œuvre pour faire découvrir le milieu côtier a créé deux parcours d’interprétation dans le marais.

Alors que le soleil brille depuis peu, je débute la randonnée au niveau du petit port de Mornac. On ne peut pas se tromper, il suffit de suivre le fléchage. Prévoyez deux bonnes heures si vous souhaitez effectuer les deux parcours et profiter des lieux.

1 – Carte du parcours numéro 1 sur 3.4 kilomètres
2 – Carte du parcours numéro 2 sur 5.4 kilomètres

Lors de votre balade, vous verrez les claires, ces bassins d’affinage des fameuses huîtres « Marennes-Oléron ». Et puis, des oiseaux, beaucoup d’oiseaux… Sans oublier, des bassins où sont élevées des crevettes impériales.

Le saviez-vous ?

Eh oui, il n’y a pas que les huîtres qui « poussent » dans les marais. A partir des années 1980, profitant des fonds sablo-vaseux de leurs claires, les ostréiculteurs ont débuté l’élevage de la crevette impériale. Originaire du Japon, l’élevage de cette fameuse crevette aux couleurs étonnantes porte le nom de pénéiculture.

On dénombre plus d’une vingtaine de pénéiculteurs dans les marais de Marennes, de la Seudre et des îles de Ré et d’Oléron. Ceux-ci fournissent 75% de la production nationale de crevettes qui s’élève à environ 25 tonnes.

Un petit conseil, lors de votre balade, prenez le temps de lire les pupitres d’information qui ponctuent le parcours. Ceux-ci vous plongent dans l’histoire, la faune et la flore des marais. Par ailleurs, si votre curiosité l’emporte, vous pourrez scanner les QR code en place sur les pupitres pour obtenir des infos plus complètes.

Attention, en cas de grosse chaleur, privilégiez une randonnée matinale ou en fin d’après-midi et prévoyez de l’eau. En effet, sur place, nul arbre pour vous mettre à l’ombre et pas de point d’eau. En plus, en début ou fin de journée, les couleurs et la luminosité dans les marais n’en seront que plus intenses. Et, grâce au flux et reflux des marées, la fluctuation de la hauteur d’eau dans les canaux offre des paysages différents.

En ce lieu, le long des claires et des canaux vous pourrez observer une biodiversité et un écosystème étonnants. Alors, laissez-vous aller et appréciez la quiétude des lieux. Prenez juste le temps…

Les marais, une terre d’accueil pour les oiseaux

Comme vous le constaterez, ici, c’est le paradis des oiseaux. De fait, les zones humides de l’ouest de la France sont situées sur un des axes de migration les plus important d’Europe. Donc, lors de leur migration, les oiseaux trouvent dans les marais des aires de repos, d’alimentation et en période estivale des zones de nidification.

Dans les marais de l’estuaire de la Seudre, on dénombre plus de 250 espèces d’oiseaux, dont 105 se reproduisent dans ces zones humides.

Retrouvez toutes les espèces d’oiseaux des marais sur le site de Natura 2000.

Aussi, si vous souhaitez les observer munissez-vous de jumelles et privilégiez une sortie tôt dans la matinée.

• Les migrateurs : l’oie bernache, le milan noir, le bécasseau, la huppe ou la cigogne…
• Les sédentaires : le héron, l’aigrette, le vanneau huppé, le tadorne de belon, le martin-pêcheur européen, le chevalier gambette ou bien encore le goéland…

De la saliculture à l’ostréiculture

On sait, grâce à des écrits, que des huîtres plates, connues sous le nom d’ostrea adulis, étaient déjà consommées à l’époque Gallo-Romaine et jusqu’au Moyen-Age. Toutefois, celles-ci n’étaient pas cultivées, mais récoltées sur des bancs naturels en mer.

Concernant la saliculture, c’est petit à petit, avec le déclin du commerce du sel au XVIIIème siècle, que les sauniers se tournent vers l’ostréiculture.

Quant à l’activité ostréicole moderne, elle naît à partir de la seconde moitié du XIXe siècle et s’inscrit dans une volonté politique de mise en culture des rivages à laquelle se joint la science. Tout d’abord, les colonies d’huîtres sauvages ont été exploitées et les techniques de culture ont été améliorées. Puis, les ostréiculteurs ont commencé à utiliser des claires, des bassins d’eau de mer peu profonds, pour affiner les huîtres et leur donner leur goût caractéristique.

Un mal pour un bien

Ce n’est qu’à la fin du XIXème siècle qu’apparaissent les fameuses huîtres creuses. En effet, à la suite du naufrage d’un navire portugais, la cargaison d’huîtres creuses qu’il transportait est mise par dessus bord. L’écosystème leur étant favorable, celles-ci s’y développent aisément. Puis, grâce à l’anéantissement de la population d’huîtres plates lors de l’épizootie de 1922, les ostréiculteurs se tournent définitivement vers la culture de l’huître creuse.

Depuis, transmise de génération en génération, l’ostréiculture reste un savoir-faire ancestral. Dès le début du XXème siècle, la Charente-Maritime est le premier département producteur d’huîtres en France, avec 80% de la production nationale.

Concernant les marais de la Seudre maritime, sur les 9000 hectares, on compte environ 1700 hectares dédiés à l’ostréiculture.

Entre mer et marais, le va et vient des poissons

C’est à partir de l’embouchure de la Seudre dans le pertuis de Maumusson que les poissons remontent le fleuve et s’installent dans les fossés et viviers des marais.
Ces fossés à poissons sont en grande partie d’anciens marais salants et vasières reconvertis au XIIème siècle sous l’appellation de “pêcheries”.

C’est sous l’impulsion du Seigneur de Mornac, Gombaud II que les moines du prieuré Notre Dame de la Garde défrichent les zones humides de l’estuaire de la Seudre. Par la suite, ils y élevaient des seiches dont l’encre servait pour leurs écrits.

Aujourd’hui, beaucoup de ceux-ci ne sont plus utilisés car envasés ou envahis par la végétation. Dans les marais de la Seudre, sur 3000 hectares de marais à poissons, seuls 1000 hectares sont encore en eau. Avec une moyenne de 500 mètres de long et 5 mètres de large, ils doivent être entretenus tous les dix ans pour assurer leur fonction.

Bien que l’eau de la Seudre soit salée en aval, l’apport de l’eau douce en amont empêche les grands poissons migrateurs de remonter l’estuaire. Donc, les grands absents des lieux sont, le saumon, l’alose, la lamproie ou la truite de mer.

De plus, les nombreuses écluses rendent l’accès bien souvent infranchissable pour beaucoup d’autres espèces.

Toutefois, la civelle (ou la pibale dans le sud-ouest) née dans la mer des Sargasses, remonte la Seudre pour s’installer dans les viviers à poissons. Par ailleurs, elle peut également remonter jusqu’au port de Ribérou à Saujon. Là, grâce à une rampe de passage elle continue sa migration en amont du fleuve pour y grandir.
Les anguilles sont nombreuses à fréquenter les viviers à poissons et dans les claires, car elles y trouvent un habitat propice riche en nourriture et en abris.

Le saviez-vous ?

Il y a deux types de poissons migrateurs :

• Les anadromes : Croissance en mer et reproduction en eau douce, comme les anguilles
• Et les catadromes : Croissance en eau douce et reproduction en mer, comme le mulet

Découvrir les marais de Mornac autrement

Découvrir les marais à pied ou à vélo est une bonne idée. Toutefois naviguer au fil de l’eau offre une expérience en immersion totale dans les marais. Aussi, au niveau du port, vous pourrez partir à la découverte à l’aide de kayak ou de paddle. Grâce aux visites guidées organisées par « Kayak et Nature », les marais n’auront plus de secrets pour vous.

A faire également, la visite des marais salants de Mornac-sur-Seudre. Depuis 2008, Sébastien et Sophie produisent du sel à Mornac. Ils vous font découvrir leur activité au travers de visites guidées. Retrouvez toutes les informations sur leur site internet.

Après l’eau des marais, à la découverte de Mornac-sur-Seudre

C’est une évidence, avant ou après votre balade dans les marais, une visite du village s’impose. En effet, classé parmi « Les plus beaux village de France » Mornac-sur-Seudre séduit le promeneur. Vous y verrez ses magnifiques halles médiévales datant du XIVème siècle. Et, la rue principale qui mène au petit port ostréicole est bordée de maisons traditionnelles aux murs blancs et volets bleus ou verts.
On y trouve aussi de bien jolies ruelles et venelles où les roses trémières ne font pas défaut. Alors évadez-vous sans but précis.

Au-delà du port, continuez droit devant vous jusqu’à la Seudre. Le chemin est bordé de belles cabanes colorées qui font face au marais. On aurait bien envie d’accéder sur leur terrasse pour profiter de la vue sur le marais, mais non… ces cabanes sont privées… dommage ! Par ailleurs, tout au long de cette petite route, prenez le temps de lire les panneaux d’information qui racontent l’histoire du lieu et de son environnement.

Où se restaurer ?

Bien évidemment, je n’ai pas déjeuné dans tous les restaurants du village. Néanmoins, pour y être allée, je vous conseille :

• Le Bistrot du Moulin, juste devant le port, le chef y prépare de succulents plats
• La Cocotte Givrée, tout au bout de la rue du Port. Les plats y sont de qualité et, le must en été, la terrasse.

Se rendre à Mornac-sur-Seudre

En voiture

Au départ de Saintes, par la N150, puis la D14 à partir de Saujon
En venant de Royan ou Rochefort, par la D733, puis la D14

En train

Par le Train des Mouettes, au départ de la gare de Saujon ou de La Tremblade. Ce train touristique avec sa locomotive à vapeur s’arrête à la gare de Mornac-sur-Seudre. Les enfants adoreront.

 

 

Eh bien, je ne peux que vous conseiller de venir faire un p’tit tour dans ces marais. En effet, en cette matinée de semaine en dehors de la saison touristique, nous étions seuls à parcourir le marais. Autant vous dire que nous avons bien apprécié le calme des lieux et la nature environnante. Et, grâce aux pupitres d’information, nous avons beaucoup appris sur le fonctionnement des marais tout au long de notre cheminement.
En plus, les atterrissages ou les décollages bien lourds des cygnes sur les plans d’eau sont plutôt drôle.