A une dizaine de kilomètres de Saintes, dans un cocon de verdure, les carrières de Crazannes sont une visite surprenante à faire en Charente-Maritime.

Classé aux Monuments Historiques en 1952, le site propose un parcours de visite guidée payante à la découverte du métier de carrier. Comme vous l’avez sans doute remarqué lors de vos balades, on trouve beaucoup d’édifices en pierre de taille dans les villes et villages de Charente-Maritime. De fait, elles ont été largement utilisées dans la construction de nombreux bâtiments dans le département bien sûr, mais également dans toute l’Europe et au-delà.

Exploité durant 2000 ans, ce haut lieu d’extraction de pierres de taille est devenu un musée à ciel ouvert en 1997 géré par le Conseil départemental.

D’une part, vous découvrirez un patrimoine minier historique et un métier d’antan au savoir-faire ancestral. Et, d’autre part, pour les amoureux de nature, prenez le temps d’observer … une grande diversité de flore et de faune a colonisé les lieux à la fermeture des carrières.

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Attentifs aux explications de notre guide dans une des gorges des carrières ©isabel

En immersion dans les carrières de Crazannes

Ici, dans un décor digne d’un tournage d’Indiana Jones, partez à la découverte d’un site unique en Charente-Maritime. Gorges étroites, végétation luxuriante, atmosphère de jungle, c’est un endroit surprenant à visiter du 1er mars à la fin des vacances de la Toussaint.

C’est, dotés d’une charlotte et d’un casque que vous débutez votre visite guidée en petit groupe. Sur un parcours de 650 mètres, un guide vous emmène dans une autre dimension. Durant la visite d’environ une heure, vous empruntez 10 escaliers et 280 marches. Alors, prenez soin de mettre de bonnes chaussures et d’être en capacité d’effectuer le parcours. Et puis, pour les plus frileux d’entre vous, prévoyez une petite laine. En effet, en contre-bas au niveau des salles souterraines, la température est plutôt fraîche, même en été.

Pendant la visite, les informations données par votre guide portent sur le métier et la vie des carriers ainsi que le procédé d’extraction des pierres. Et puis, tout au long du parcours, ouvrez l’œil car la faune et la flore y sont particulièrement intéressantes.

Par ailleurs, pour les personnes à mobilité réduite, il est possible d’emprunter un autre chemin ne comportant pas d’escaliers. Toutefois, l’observation portera essentiellement sur la flore et la faune. C’est le sentier de Genny la Genette.

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Notre guide, Victor, attentif à notre groupe ©isabel

Où trouve-t-on de la pierre de Crazannes ?

En Charente-Maritime :

Ailleurs en France et à l’étranger :

  • Les fortifications de la façade Atlantique
  • A Paris
  • La cathédrale de Cologne en Allemagne
  • Outre Atlantique, à Québec et à l’hôtel de ville de Los Angelès en Californie
  • Entre autres…

Enfin, pour la p’tite histoire… Eh bien non, le socle de la Statue de la Liberté à New-York n’a pas été construit avec des pierres de Crazannes. Ce n’est qu’une légende !

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Victor s’emploie à nous raconter l’histoire des carrières de Crazannes ©isabel

La nature dans tous ses états aux carrières de Crazannes

Par ailleurs, les carrières de Crazannes font partie d’un Espace Naturel Sensible. Aussi, la plupart des animations mises en oeuvre sur le site, sensibilisent les visiteurs à la préservation de la biodiversité et de l’environnement. C’est pourquoi, le Conseil départemental de la Charente-Maritime y à créer un refuge LPO.

De plus, le site fait également partie des 50 Echappées Nature que compte le département.

Ces différents labels font donc des carrières de Crazannes un Espace Naturel Protégé où la faune et la flore peuvent être étudiées.

En plus de la visite, vous pouvez vous initier à la taille de la pierre et sculpter votre propre bas-relief. Ou bien encore participer aux différentes animations nature qui ont lieu tout au long de la période d’ouverture.

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Fougères, lianes, petit à petit, elles s’approprient l’espace ©isabel

Plus de 2000 ans d’exploitation pour les carrières de Crazannes !

Depuis l’Antiquité jusqu’au milieu du XXème siècle, de nombreuses carrières sont exploitées de manière continue dans la région pour l’extraction des pierres de taille.

Ici, dans les carrières de Crazannes, c’est sur 100 hectares que les carriers oeuvraient. Ils extrayaient les blocs de pierre en sous-sol sans jamais descendre à plus de 18 mètres à cause de la nappe phréatique, ou bien à ciel ouvert.

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Dans les salles souterraines des carrières ©isabel

Retour dans le passé des carrières

Sous l’ère Gallo-Romaine, extraite par les esclaves, la pierre sert à la construction de voies de circulation, d’arènes et autres édifices. Tel l’arc de Germanicus à Saintes ancienne cité Gallo Romaine et capitale de la Saintonge.

Au Moyen-Age et jusqu’à la Révolution française, ce sont les cerfs du château de Crazannes qui obtiennent le droit d’exploiter la pierre, en échange d’un pourcentage rétrocédé au seigneur.

Avec l’Art Roman du Xème au XIIème siècle on utilise cette pierre blanche dans la construction des églises romanes.

Puis, entre le XVIème et le XIX siècle, la pierre de Crazannes façonne les fortifications de la côte atlantique dans son ensemble.

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Il s’impose sur la place Bassompierre à Saintes, l’arc de Germanicus ©isabel

La pierre de Crazannes, le Graal des pierres de taille

Ce n’est pas un hasard si les carrières de Crazannes ont vu leurs pierres s’exporter dans tous les coins du monde. En fait, cette roche calcaire du Crétacé supérieur âgée d’environ 90 millions d’années possède une qualité exceptionnelle.

  • Tout d’abord, elle présente une pureté et un grain très fin puisqu’elle est constituée à 98% de calcaire.
  • De plus, sa blancheur et le fait qu’elle soit tendre à travailler, en fait une pierre idéale pour le façonnage tant pour la construction que pour la sculpture.
  • Et puis, son imperméabilité est un de ses autres atouts. En effet, après un temps de séchage d’environ 3 mois, se constitue à sa surface une couche superficielle étanche et résistante, le calcin.
  • Enfin grâce à sa densité, elle est notamment utilisée dans la construction des arches.

Des carrières de Crazannes à la Charente

Acheminer des blocs de pierre n’était pas une mince affaire. Effectivement, les blocs de pierres pouvaient peser plusieurs tonnes. Alors, grâce à la force animale, ils étaient acheminés jusqu’à la Charente à Port d’Envaux. De là, hissés sur des bateaux à fond plat, les gabares, ils transitaient par Rochefort, pour être exportés en Europe et par de-là l’Atlantique.

Quant au moyen de transport jusqu’au port, ce sont des charrettes à hautes roues qui étaient utilisées. Sur celles-ci, 3 blocs de pierre pouvaient être placés, soit environ 10 tonnes. Ainsi chargées, c’est tractées par 6 bœufs ou 8 chevaux qu’elles arrivaient au port. Toutefois, ce sont les bœufs, plus rentables en terme d’entretien que les chevaux et plus robustes aussi qui accomplissaient le plus souvent cette tâche.

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Les blocs de pierre de Crazannes transitent par la Charente pour des destinations lointaines ©isabel

Dans les salles d’extraction, vous remarquerez la couleur bleu encore visible par endroit sur les charrettes. En fait, le pigment de ce bleu, le sulfate de baryum, était un précieux insecticide pour lutter contre les moustiques nombreux dans ce milieu humide. Du reste, on nomme ce bleu le  » bleu charrette « . Ce même bleu qui pare également les volets des maisons et qui donne un charme certain aux villages Charentais-Maritime.

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On ne dirait pas, mais cette vieille charrette supportait jusqu’à 10 tonnes de blocs de pierre ©isabel

Carrier, un métier rude transmis de père en fils

Au fil des siècles, c’est de génération en génération, que le métier de carrier se transmet de père en fils. Ainsi, dès l’âge de 9 ans, les garçons accompagnent leur père dans les carrières.

Au début, ils ont pour tâche le déblaiement des gravats et petites pierres. En fait, ce travail bien que nécessaire au bon fonctionnement des carrières, faisait perdre beaucoup de temps aux carriers qui étaient payés « au bloc de pierre ». C’est pourquoi, ce sont les enfants qui en avaient la charge.

Ensuite, vers 12 ans, dotés d’un pique à trancher, l’outil principal du carrier, ils entamaient leur apprentissage auprès de leur père. A partir de ce moment, débutait la transmission d’un savoir-faire ancestral. Puis, à 16 ans, devenus autonomes, ils extrayaient eux-mêmes leurs blocs de pierre.

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Les outils du carrier : le pique à trancher et les grandes scies « crocodiles » pour scier les blocs de pierre ©isabel

Le saviez-vous ?

Au 19ème siècle, les carriers avaient une paye équivalente aux instituteurs, ce qui les rendaient fiers de leur travail. Toutefois, c’était un métier rude et leur espérance de vie de 52 ans était de 10 ans moins élevée que la moyenne des français. De plus, exposés à la réverbération du soleil sur les pierres blanches, la plupart d’entre eux devenaient aveugles à la fin de leur carrière.

De la pierre au béton : le déclin des carrières de Crazannes

1948, c’est l’arrêt définitif de l’extraction des pierres aux carrières de Crazannes. Les causes ? Eh bien elles sont dues à plusieurs facteurs.

Le premier, des raisons d’ordre économique. En effet, après les 1ère et 2éme guerres mondiales, les destructions de bâtiments sont telles qu’il faut reconstruire vite. Aussi, en raison de son mode rapide de production et de son moindre coût, le béton remplace la pierre.

Le second facteur, c’est le manque de main-d’œuvre découlant des nombreux hommes morts au front durant ces deux guerres.

Et pour finir, la loi de 1882 de Jules Ferry portant sur l’obligation de scolariser les enfants de 6 à 13 ans a contribué à diminuer la transmission du métier de carrier. Dès lors, les pères ne peuvent plus transmettre leur savoir-faire à leurs garçons qui fréquentent plus les bancs d’écoles que les carrières.

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Vestiges de l’activité d’antan ©isabel

Une jungle improbable au sein des carrières de Crazannes

Concernant la flore présente dans ces anciennes carrières, elle est d’une richesse surprenante. Ici, après la fermeture des carrières, la végétation a repris ses droits et a colonisé les lieux. C’est pourquoi, de par le taux d’humidité et la configuration du site, on pourrait presque ce croire dans la jungle.

En effet, d’immenses lianes s’étirent jusqu’à la cime des arbres, tandis que des orchidées sauvages s’épanouissent. On trouve également une grande variété d’arbres, tels des hêtres, des sureaux, des aubépines, des acacias, des frênes, des chênes… Bref, une diversité étonnante d’espèces.

Mais, la plus étonnante d’entre elles, c’est la fougère scolopendre s’emploie à coloniser le fond de la carrière. Ici, elle profite de la faible luminosité des anciens fronts de taille, d’un sol calcaire et de l’humidité de la nappe phréatique toute proche.
Du reste, au fil de votre visite, vous pourrez constater qu’elle disparait lorsque l’on remonte à la surface des carrières.

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Les fougères scolopendres s’épanouissent dans le milieu humide des carrières ©isabel

Le saviez-vous ?

La fougère scolopendre tient son nom du mille-pattes du même nom. En effet, sur la face inférieure des feuilles se forment à l’automne des spores faisant penser à cet étrange insecte.

Une faune riche et abondante peuple cet espace de nature

Outre la grande variété de la flore, on trouve dans les carrières de Crazannes une faune tout aussi diverse. Alors, soyez attentifs lors de votre visite, il se peut que vous rencontriez les hôtes de ces lieux.

Quelques recensements ont permis de dénombrer :

  • 42 espèces d’oiseaux
  • 244 espèces d’insectes, dont la Rosalie des Alpes, la Lucane cerf-volant, espèces protégées
  • 25 espèces d’araignées
  • 22 espèces de mammifères, dont la genette, le blaireau, le chevreuil, le renard….
  • 8 espèces de reptiles et d’amphibiens.

Par ailleurs, les quelques pièges à photos et caméras mis en place sur le site, permettent de répertorier et de voir évoluer tous les animaux peuplant l’espace.

De plus, ici, tout est mis en œuvre pour améliorer l’accueil de ces animaux. Ainsi, des nichoirs, des bois coupés, des hôtels à insectes, des niches pour hérissons … sont des refuges idéaux pour tout ce petit monde.

Il ne faut pas oublier non plus, une importante colonie de chauve-souris où sont recensées 11 espèces différentes. Elles ont su s’approprier les salles souterraines et les grottes et proliférer en toute sérénité. Du reste, si vous souhaitez en savoir plus sur cet étrange animal, durant l’été des animations spécifiques sont organisées sur réservation.

La Rosalie des Alpes

Un peu plus d’infos sur les carrières de Crazannes

Je vous invite à vous rendre sur la page Facebook de la Pierre de Crazannes où sont listées toutes les animations à venir. Vous pourrez y voir également, les vidéos captées par les pièges à photos et caméras.

Le site officiel de la pierre de Crazannes

A faire à proximité des carrières de Crazannes

On ne peut pas parler de la pierre de Crazannes sans parler des « Lapidiales » situées à moins de 2 kilomètres à pied des carrières. Créé par un sculpteur passionné, Alain Tenenbaum au début des années 2000, un espace dédié à la sculpture voit le jour sur le site des Chabossières à Port d’Envaux. Ici, dans ce labyrinthe, des oeuvres sculptées à même les parois des anciennes carrières par des artistes du monde entier, envoutent le promeneur.

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Des plus classiques aux plus insolites, les sculptures des Lapidiales surprennent le promeneur ©isabel

Vous êtes marcheurs ou cyclistes ? Alors chaussez vos chaussures de rando ou enfourchez votre vélo et partez à la découverte des environs sur une boucle d’environ 10 kilomètres. Le chemin de la pierre ».

« Ainsi, prévoyez une journée pour visiter le musée de « La pierre de Crazannes », le château de Crazannes dit « château du Chat Botté », Les Lapidiales, le château de Panloy et les jolis villages de Crazannes et de Port-d’Envaux. Profitez-en pour faire un bon pique-nique au bord de la Charente, au Pré Valade à Port-d’Envaux.

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Une belle demeure sur les bords de Charente à Port d’Envaux à voir sur le « chemin de la pierre » ©isabel

Se rendre au musée de la Pierre de Crazannes

  • Une belle façon de faire une pause lors d’un départ en vacances, sur l’aire de la Pierre de Crazannes sur l’autoroute A837. Directement sur l’aire, un sentier vous mène aux carrières.
  • Ou, via la départementale D119

Quelques distances :

  • Saintes, 22 minutes
  • Rochefort, 35 minutes
  • Royan, 50 minutes

 

 

Eh bien, pour tout vous dire, je classe ce lieu parmi mes « Coups de cœur ». De fait, c’est un endroit que j’aime beaucoup et que je fais visiter aux personnes qui viennent à la maison. En ce qui me concerne, je trouve passionnant l’histoire de ces hommes et de cette pierre que l’on trouve partout en Saintonge et en Charente-Maritime.

Et puis, ce qui me plait le plus dans cette visite, c’est ce mélange étrange, de pierres, de végétation et l’atmosphère qui règne au fond des carrières. En fait, ce que j’adorerais, c’est marcher seule, dans les gorges pour encore mieux appréhender les lieux. Je crois même que je pourrais entendre résonner les piques à trancher des carriers. Bon, j’exagère sans doute, mais sait-on jamais.

Et puis, je trouve que c’est une belle idée de visite pour toute la famille. Parce que, la Charente-Maritime ce n’est pas que le farniente à la plage, c’est aussi et surtout un territoire de savoirs et de culture. En prime, lors des grosses chaleurs d’été, c’est également un bon moyen de se rafraîchir le temps de la visite.

En conclusion, je ne vous dirai qu’une chose ! Prenez un peu de temps lors de votre séjour pour vous rendre au musée de la Pierre de Crazannes.

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