Posé sur la mer entre l’île d’Aix et l’île d’Oléron dans la rade de Rochefort, le Fort Boyard, intrigue, séduit, surprend. Cependant, on est loin de s’imaginer tous les aléas qui ont failli mettre un terme à son édification. Aussi, de l’oubli, il est passé dans la lumière des projecteurs, grâce au jeu éponyme « Fort Boyard ». Ce jeu est diffusé depuis 1990 dans plus de 70 pays. Dès lors, le Fort Boyard devient le symbole de la Charente-Maritime.
L’ébauche d’un projet fou – Fort Boyard
Sous le règne de Louis XIV, l’arsenal de Rochefort, l’un des plus prestigieux du royaume de France, voit le jour en 1666. Bien que le site présente beaucoup d’atouts, l’arsenal de Rochefort reste néanmoins fragile quant à sa défense. La rade de Rochefort, protégée naturellement par les forts armés des îles d’Aix et d’Oléron, laisse toutefois un passage ouvert à l’ennemi. Il est donc impératif de sécuriser l’embouchure de la Charente par un nouveau fort.
L’emplacement choisi est un banc de sable, situé entre les îles d’Aix et d’Oléron, la longe de Boyard. Boyard, venant d’une déformation au fil du temps d’un mot hollandais « Ban iaert » cité dans une carte de navigation hollandaise de 1585.
Le projet du Fort Boyard sera confié à Sébastien Vauban, architecte militaire dont les constructions sur le littoral sont déjà nombreuses. Toutefois, après étude du projet et sondage des lieux, Vauban, déclare à Louis XIV : « Sire, il serait plus facile de saisir la lune avec les dents que de tenter en cet endroit pareille besogne.
Le projet abandonné mais pour autant pas enterré, ou englouti.
Durant de nombreuses décennies, entre report et attaques de la marine anglaise, la rade de Rochefort reste sans défense. C’est en 1757, alors que l’île d’Aix est envahie, pillée et dévastée en une heure par 6 000 soldats anglais que le projet du Fort Boyard reprend vie. Malheureusement, le projet n’aboutit toujours pas, faute de moyens financiers insuffisants pour le royaume.
La démesure napoléonienne face aux assauts des anglais
135 ans plus tard, l’édification du Fort Boyard souhaitée par Louis XIV, va enfin débuter sous Napoléon Bonaparte, en 1801. En effet, la rade de Rochefort toujours menacée des attaques de la flotte anglaise, Napoléon veut renforcer la défense de l’île d’Aix et de l’embouchure de la Charente.
Un projet lui est proposé par le génie maritime. Un fort sur trois niveaux de forme elliptique de 80m de long sur 40m de large posé sur un enrochement de plus grande taille. Les fonds sont débloqués et les travaux débutent en 1804. Pour se faire, sur l’île d’Oléron face au futur Fort Boyard, une ville entière est construite pour loger les ouvriers et entreposer le matériel. Cette ville chantier deviendra plus tard Boyardville.
Les pierres de l’enrochement proviennent des carrières de l’île d’Aix, de Fouras, de Crazannes et de Port des Barques. Sur l’île d’Aix, ce ne sont pas moins de 300 soldats autrichiens prisonniers qui extraient les pierres des carrières.
Cependant, les travaux d’assise s’avèrent être difficiles et les sommes allouées s’envolent.
Entre tempêtes et retard
Tandis que la présence menaçante de la flotte anglaise ralentit les travaux, les fortes tempêtes d’hiver balayent tout sur leur passage. Les travaux sont à recommencer souvent. De plus, l’acheminement des roches par les gabares sur la Charente et en mer est délicat. De nombreux bateaux sombrent avec les hommes et leur chargement. Par ailleurs, l’enrochement retarde considérablement les travaux, puisque l’assise s’affaisse de plus d’un mètre sous son propre poids.
Les années passant, devant les difficultés rencontrées et le coût des travaux qui ne cesse de grimper, Napoléon revoit son ambition à la baisse. Dès lors, les dimensions du Fort Boyard passent de 68m de long et 31m de large. Les travaux reprennent en 1809.
Cependant, le 1er avril 1809, la flotte anglaise attaque une nouvelle fois. C’est l’affaire des Brûlots de l’ile d’Aix où 76 navires anglais détruisent les 15 vaisseaux français au large de l’île. Les travaux sont suspendus une nouvelle fois en 1810. Napoléon ne verra jamais l’édifice, puisqu’il se rend aux anglais en 1815 après une semaine passée sur l’île d’Aix.
Le vaisseau de pierre s’élève enfin
Près de 30 plus tard sous le règne de Louis Philippe et quelques 3,5 millions de francs dépensés, la défense de la rade de Rochefort reste fragile. En effet, la tension entre la France et l’Angleterre demeure. Aussi, malgré les forts déjà présents, il faut enfin combler la brèche et protéger la rade des éventuelles attaques anglaises. Alors que les progrès dans la métallurgie et l’artillerie ont bien évolué, la question se pose de continuer ou non la construction du fort.
Louis Philippe prend la décision de maintenir le projet de Fort Boyard et les travaux reprennent en 1841.
Un projet coûteux …
Donc, 4 millions de francs sont engagés pour poursuivre la construction. Il faudra toutefois attendre 1848 pour que le socle soit achevé et s’élève à 2 m au-dessus du niveau de la mer. Les ouvriers se relaient jour et nuit pour rattraper le temps perdu et de nouvelles techniques de construction sont mises en place. En 1849 débute l’édification du fort avec de nouvelles équipes. Celle-ci prendra une dizaine d’années. En effet, deux ou trois années sont nécessaires pour monter chaque étage du fort. Les blocs utilisés pour parer les assises des murs extérieurs immergés sont en granite du Cotentin, alors que celles de l’ossature proviennent des carrières de Crazannes.
L’agencement du fort
Au rez-de-chaussée se trouvent les citernes de pour l’eau potable, le magasin à poudre, le stockage des vivres et les cuisines.
Le premier étage est dédié aux logements des officiers et des employés
Quant au deuxième étage, on y trouve les logements du commandant, des officiers, l’infirmerie, la terrasse avec son couronnement et la vigie culminant à 27m au-dessus de la mer.
Fort Boyard se bat contre les éléments
Le génie militaire n’avait pas tout prévu dans la conception du fort. En effet, posé sur les hauts fonds de la passe, le fort est quasiment inaccessible. Les bateaux ne peuvent y accoster rendant parfois le ravitaillement impossible durant des mois.
En cause, l’escalier est impraticable par marée basse ou quand la houle est trop élevée. Les tempêtes et les vagues atteignent le sommet du fort inondant la cour intérieure et faisant trembler tout le bâtiment.
De ce fait, en 1859, il est décidé de construire un havre d’abordage au sud-est pour que les bateaux puissent accoster. Un éperon rocheux servant de brise lames sera édifié à l’opposé au nord-ouest pour empêcher les vagues de percuter les parois du fort.
C’est ainsi que s’achève la construction du fort dont le procès-verbal de fin de travaux est signé le 6 février 1866, soit 200 ans après l’idée du projet soumis à Vauban par Louis XIV.
L’inutile destin de Fort Boyard en quelques dates
C’est seulement deux années plus tard que l’on constate l’inutilité de sa défense de la rade. Alors que les 74 canons prévus devaient être installés en 1854, les progrès de l’artillerie font que cela devient inutile. En effet, les tirs des canons des forts de l’ile d’Aix et d’Oléron sont suffisants pour effectués une protection efficace de la rade de Rochefort. Une trentaine de canons seront installés.
Plus tard, le fort est converti en prison où des soldats prussiens de la guerre franco-prussienne de 1870 sont enfermés. Ensuite, les casemates du fort retiendront les prisonniers politiques de la Commune. Son office de prison ne dure qu’un temps.
Par la suite, la marine y mobilise 6 hommes pour surveiller la rade. Un marégraphe est transféré du Fort Enet au Fort Boyard en 1873 et plus tard la vigie sera dotée d’un phare.
Le temps passe
A la suite de son déclassement en 1913, le fort abrite un détachement de soldats durant la Grande Guerre de 14-18. Puis, abandonné, pendant la seconde guerre mondiale, les allemands effectuent des exercices de tirs sur le Fort Boyard devenu cible géante.
Malgré tout, il est classé à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1950.
A quoi bon garder ce monument inutile dans le giron de l’armée. Celle-ci décide de s’en séparer en 1961 et le met aux enchères à 7 500 francs. Deux acheteurs répondent à l’offre, l’association des « Amis de Fort Boyard » qui veut sauver le fort, et un dentiste belge Eric Aerts. Celui-ci l’emporte pour 28 000 francs. C’est alors que Fort Boyard devient une propriété privée. Malheureusement, son propriétaire ne s’en occupe pas et le fort tombe en ruines.
De l’inutile, le Fort Boyard passe de nouveau sur le devant de la scène
C’est en 1966 que le réalisateur Rober Enrico tourne plusieurs scènes de son film « Les aventuriers » à bord du vaisseau de pierre. Les acteurs principaux sont les acteurs stars du moment, Lino Ventura et Alain Delon. D’ailleurs, je vous conseille de voir ce film, vous y verrez le fort tel qu’il est devenu après des années d’abandon.
Tantôt visité par des pilleurs, tantôt envahi par une colonie de goéland qui trouve ici une bonne place pour nicher, Fort Boyard tombe en décrépitude. Malgré cela, son propriétaire ne veut toujours pas le vendre alors que des offres d’achat lui parviennent.
En 1981, un tournage de la « Chasse au trésor » le fait découvrir une nouvelle fois au grand public.
Naissance d’un symbole de la Charente-Maritime
Jacques Antoine, producteur de la « Chasse au trésor », a un autre projet en tête. Mais le lieu de tournage lui manque. C’est alors qu’il pense au Fort Boyard en 1987. Après de longues discussions avec le propriétaire, la société de production réussi à racheter le fort pour 1.5 millions de francs (environ 230000 €). C’est une belle plus-value pour le dentiste belge.
Cependant, le coût des travaux de réhabilitation est exorbitant et sans l’aide du Conseil Général de la Charente-Maritime cela semble impossible. Jacques Antoine rencontre les élus et présente son projet de jeu. Le fort est revendu pour 1 franc symbolique au département. Ainsi, la production de Jacques Antoine devient locataire des lieux. Le Conseil Général est en charge de la réhabilitation et des travaux d’entretien annuel.
Deux ans plus tard, le 30 juin 1990, le tournage de la première émission du célèbre jeu «Fort Boyard » débute. Le père Fouras, Passe-partout, Passe-temps, Felindra,… commencent alors une longue aventure télévisée.
Fort Boyard sort de l’oubli
Dès lors la renommée de la Charente-Maritime est faite grâce au fort inutile devenu célèbre dans le monde entier. Les retombées économiques pour la Charente-Maritime ne se font pas attendre.
Aujourd’hui, le jeu télévisé « Fort Boyard » a été programmé dans plus de 70 pays. Des équipes de tournage du monde entier envahissent chaque année le fort entre avril et fin juillet. On compte parmi les pays entre autres, la Russie, les Etats-Unis, la Norvège, la Suède, la Roumanie, l’Albanie, le Royaume Uni, les Pays Bas, le Canada, l’Allemagne, l’Argentine, la Belgique….
Pour plus d’informations sur l’émission, je vous invite à vous rendre sur le site internet dédié au jeu « Fort Boyard ».
Le Fort Boyard renaît et devient le symbole de la Charente-Maritime à travers le monde.
Se rendre à Fort Boyard
Visiter le fort, n’est malheureusement pas possible. Cependant, vous pourrez l’admirer depuis les bateaux de croisière qui proposent d’en faire le tour. Vous aurez la possibilité de combiner le tour de Fort Boyard avec une escale à l’île d’Aix.
Les compagnies de bateaux assurant les croisières :
- Les croisières Alizé, au départ de La Tremblade, de Fouras ou de Bourcefranc.
- Une compagnie familiale à taille humaine, les croisières Fourasines, au départ de Fouras, Rochefort ou Port des Barques.
- Les croisières Inter-îles, au départ de La Rochelle, l’île d’Oléron (Boyardville ou Saint-Denis d’Oléron) et de l’île de Ré à Saint-Martin.
- Et si vous montiez à bord de La Marcelle, vieux canot de sauvetage de la royale anglaise de 13 mètres. A son bord, le capitaine René vous accueille au départ de Boyardville.
- Oléron Croisières vous propose également des tours commentés de Fort Boyard au départ de Saint-Denis.*
Où poser ses valises
Villes où il y a des départs de croisières
Sur l’île d’Oléron :
- Boyardville, au camping Signol, où sur la plage vous aurez vu sur Fort Boyard
- L’hôtel Les Bains à Boyardville
- A Saint-Denis d’Oléron, le Hameau des marines, 300 mètres de la plage au calme.
A Fouras :
- L’hôtel La Roseraie, non loin de l’embarcadère
A Rochefort :
- Au logis hôtel La Fayette, en centre ville et au calme, pour un budget moyen.
- L’esprit du 8, un magnifique logis avec piscine tout proche de la Corderie Royale et de l’Hermione. Pour les budgets plus élevés.
Fort Boyard est sans nul doute, le symbole de la Charente-Maritime, c’est un site incontournable de votre séjour. Ce vaisseau de pierre impressionne et semble hors du temps. Je vous conseille d’y combiner une escale sur l’île d’Aix, vous ne le regretterez pas. C’est une charmante petite île chargée d’histoire que l’on peut visiter à pied ou en vélo. Il faut compter la journée complète pour ce billet combiné. J’ai choisi les croisières Fourasines pour m’y rendre et je n’ai pas été déçue. De plus, au départ de la Fontaine Royale de Port des Barques, pas de frais de parking.